Il y a peu, à l’occasion de mon anniversaire, j’ai réalisé que j’avais passé la première moitié de ma vie en pleine campagne au cœur du Pays d’Auge. Attention, je vous ne parle pas du périurbain et de ses lotissements ou de commune de 4 000 habitants ou même de 1 000 habitants. Non, je vous parle ici d’avoir vécu dans des hameaux ou des bourgs ne dépassant pas une population de 500 habitants où le paysage est dessiné par les activités agricoles. Cette enfance champêtre a été rythmée par la saison des moissons, les périodes des vêlages, et les jeux dans les bottes de round baller.

Ferme carré vaches

Une douce esquisse nourrissant l’image d’Epinal de la vache sous les pommiers? Peut-être mais pas sans un certain enracinement à la réalité. En effet, la Normandie est bien une terre d’agriculture où l’élevage équin et la filière laitière sont des fers de lance. Cependant la production de viande bovine est loin d’être à négliger.

La Normandie : terre d’élevage

…et de gastronomie

A mon sens, l’identité d’un territoire est intimement liée à son terroir. La Normandie n’y fait pas exception ! Nos produits régionaux sont de véritables ambassadeurs de l’ancrage ancien de l’élevage dans la région. Avec ses fromages, sa crème, sa charcuterie ou encore ses recettes de spécialités culinaires, la région est bien une terre d’élevage herbivore. En chiffres, la Normandie est notamment la quatrième région française par l’importance de son troupeau bovin et la région est la première productrice de beurre, de crème et de fromage au lait de vache.

gastronomie normande cidre fromage beurre creme
source: patrick forget-sagaphoto

 

Entrée ferme carré Eure

Sans tourner le dos à ces forces vives de l’élevage normand, j’avais envie d’aller plus loin et partir à la découverte des exploitations possédant des troupeaux allaitants. Le déclic  eu lieu lors de la Monday Meat caennaise et après avoir dégusté les produits d’Au fil de l’Ante. L’invitation à participer aux Rencontres Made in Viande était une bien trop belle occasion pour ne pas poursuivre cette découverte.  Ce week-end j’ai donc pris la direction de l’Eure et du Pays d’Ouche pour me rendre à la ferme Carré.

La découverte de la ferme Carré lors des Rencontres Made in Viande 2022

Curieux de nature, et un brin nostalgique, je ne pouvais répondre que favorablement à une invitation qui m’offrait l’opportunité de « revenir en ruralité » comme on retourne en pèlerinage mais surtout de partir à la rencontre d’éleveurs de ma belle région Normandie.

Le concept des Rencontres Made in Viande

Les rencontres made in viande logoCes rencontres ont été mises en place dès 2014 dans le but de valoriser la filière Elevage et Viande auprès du grand public et des scolaires. Pour ce faire les professionnels ouvrent leurs portes pour mettre en lumière les métiers qui sont liés à cette filière, et leur capacité à produire une viande française de qualité, responsable et durable. Pour cette septième édition qui s’est déroulée partout en France du 11 au 18 mai 2022, ce ne sont pas moins de 600 portes ouvertes qui ont été mises en place (dont 21 en Normandie).

Cette démarche collective propose à tout à chacun de se rendre sur le terrain pour découvrir les véritables réalités de la filière : un véritable exercice de transparence pour les femmes et les hommes de la filière élevage ! C’est parfois même l’occasion de déconstruire quelques contre-vérités. Ces rencontres se structurent autour de visites guidées d’établissements, de démonstrations autour de leurs activités, d’ateliers pédagogiques, ou encore de dégustations… De mon côté, ma Rencontre Made in Viande se situait dans l’Eure en Pays d’Ouche au sein de la ferme Carré.

L’élevage de Limousines de la ferme Carré

Il y a des accueils qui ne trompent pas et celle de la ferme Carré n’y fait pas exception. De suite, je me suis senti dans mon « chez moi » d’il y a plus de vingt ans. Des enfants courant entre les bottes de paille, une bonne odeur de barbecue qui commence à chauffer, des rencontres et des discussions sincères avec -bien entendu- en toile de fond de belles vaches. Nostalgie ? Je ne sais pas… Bonheur de retrouver  le temps d’une journée cette atmosphère ? Assurément ! Pauline et Xavier, le couple d’éleveurs, n’est pas étranger à cette ambiance conviviale.

De jeunes agriculteurs faisant perdurer la ferme familiale

Xavier et Pauline éleveurs limousinEn 2016, Xavier et Pauline sa compagne ont repris la ferme familiale Carré transmise de génération en génération depuis 1900. Après avoir un temps voulu savoir si l’herbe était plus verte ailleurs, Xavier Carré a très vite senti que l’appel de la terre était trop fort. Il reprend avec sa compagne l’exploitation familiale mais choisit d’orienter l’activité de cette dernière et de passer de l’élevage de vaches laitières à l’élevage de vaches allaitantes. Aujourd’hui la ferme Carré c’est 70 hectares, un corps de ferme et un petit cheptel de 80 bêtes. Après quelques minutes à les écouter et à échanger, on est vite gagné par leur enthousiasme et leur passion pour leurs animaux. Un attachement fort qui leur fait faire des choix engagés.

Le programme de ma petite virée à la ferme Carré

Après avoir fait connaissance avec  les locataires de la mini-ferme mise en place pour l’occasion, Pauline et Xavier nous ont proposé une visite guidée pour découvrir la gestion de leur troupeau et leurs installations. Ce qui m’a frappé, avant même le début du parcours, c’est leur stabulation extrêmement lumineuse avec des vaches et des veaux circulant librement dans la paille. Leur exposé détaillé et très pédagogique a abordé en transparence les modalités de production, de transformation et les normes d’hygiène de leur élevage.

visite guidée explotation

Mais nous y reviendrons un peu plus tard car c’est l’heure de l’apéritif que me proposent gentiment Xavier et Pauline. Quelques minutes plus tard, le « doux parfum » du barbecue nous pousse, indiciblement, à nous installer à une grande tablée afin de goûter une partie de leur production. Un véritable régal !

 barbecue ferme carré normandie

Les différents types de vaches présent sur la ferme Carré

La Ferme Carré produit majoritairement de la viande bovine Limousine. Cependant, une partie de sa production propose également une viande issue du croisement entre limousine et normande, la normande apportant un côté un peu plus persillé. Enfin j’ai également apprécié la démarche et l’objectif de Xavier et Pauline de participer là la préservation de la race Bazardaise.

Les valeurs de la ferme Carré

La complète autonomie fourragère de la ferme Carré

Dans le fonctionnement de cette exploitation, les bovins de la Ferme située aux Bottereaux sont élevés pour 90% à l’herbe. Mieux encore, ils ont une complète autonomie fourragère, tant que les épisodes de sécheresse ne se multiplient pas trop régulièrement. En ce sens, 30 hectares sont de la prairie naturelle destinée au pâturage. 40 hectares sont consacrés à la culture de blé, orge et colza pour le complément.

autonomie fourragère

Ces prairies offrent un joli paysage, mais permettent également, en étant l’aliment principal de ce beau troupeau,  d’obtenir une viande de qualité. Comme nous, les bêtes ont besoin d’une alimentation naturelle et équilibrée. Enfin, et cela est loin d’être négligeable à mes yeux, par leur mode d’élevage la ferme Carré a une empreinte carbone nulle ou quasi nulle.

Des éleveurs avec des convictions sur le respect de la nature et du vivant

Xavier carré eleveur

La ferme Carré propose des produits sains, élaborés dans le respect de la nature, de l’homme et du vivant. Avec cette fenêtre ouverte sur le monde de l’élevage que proposent les Rencontres Made in Viande, mon désir de  manger mieux à partir de produits sains et de qualité s’est accru. Mais surtout j’ai maintenant en tête deux nouveaux visages qui me donnent l’envie de choisir plus encore la qualité afin de faire vivre les acteurs locaux et par mes achats leur offrir la reconnaissance du travail et une rémunération correcte.

Ma volonté de consommer sain et local

Ma jeunesse « campagnarde » a sans doute sensibilisé l’urbain que je suis dorénavant sur nombre des enjeux de la ruralité et de ses territoires. Mais surtout je pense que mon goût pour le « consommer local » et plus précisément pour le « manger mieux et local » a éclos dès cette époque. Aujourd’hui, à l’heure où la société demande à être de plus en plus vertueux, je suis moi-même attentif au sens de mes actes d’achat. Concernant le contenu de mon assiette, j’ai un petit côté Saint-Thomas. J’ai besoin de savoir d’où viennent mes aliments (et encore plus pour ma fille !) et de savoir, aussi, qu’ils ont été produits dans le respect de l’environnement et des producteurs.

origine de la viande

Mes attentes sur les conditions de production et l’origine des produits existent également  concernant ma consommation de viande.

Les enjeux écologiques d’une exploitation telle que la ferme Carré

L’agriculture et l’ensemble de ses filières participent grandement à faire vivre économiquement de nombreux bassins de vie de la région. Ses métiers et ses emplois maillent et animent ces territoires. Je ne suis pas de ceux qui  soupèsent les importances économiques d’une part et environnementales d’autre part dans leur façon de considérer le développement. Je pense même que le « salut » se situe dans leur association au sein d’une agriculture raisonnée en se réinscrivant pleinement au cœur de son environnement.

pâturage ferme carré

répartition émission gaz france

Ainsi, par exemple, la question de l’empreinte carbone de l’élevage bovin doit être évoquée. En France elle est, certes, évaluée à 8 % des émissions de gaz à effet de serre, cependant peu savent que depuis vingt ans le cheptel bovin français a réduit ses émissions de 15%.  De plus, l’élevage herbivore valorise et entretient des terres peu propices à la mise en culture. Et il faut savoir que l’herbe des ces prairies, consommée ensuite par les ruminants capture une part non négligeable du CO2 de l’air. Si ces herbages sont des prairies permanentes, ils stockent encore davantage de carbone. Cette compensation d’émissions est bien un critère à prendre en compte lorsqu’on évalue l’impact environnemental de l’élevage.

 

D’autres exemples montrent que les prairies issues de l’élevage constituent -outre des puits de carbone- des filtres à eau et des réservoirs de biodiversité. Tendre vers ce modèle est un véritable enjeu que la filière bovine souhaite assumer aujourd’hui. A mon sens, certains systèmes d’élevage seront à terme obsolètes car totalement rejetés par les consommateurs.

Etre fléxitarien : Un mode de consommation

Avant de vous parler de moi, et de ma découverte du flexitarisme et de mon rapport à lui, il convient de poser les bases de ce principe. Notre siècle a vu émerger de nouvelles préoccupations notamment dans le domaine alimentaire avec pour objectif de mieux consommer et de mieux manger. En ce sens, différents modes de consommation se sont peu à peu développés. L’un de ces nouveaux comportements alimentaires se nomme flexitarisme.

Définition du fléxitarisme

Le flexitarien est un consommateur qui mange de tout. Il intègre à son mode de vie une alimentation responsable qui va des aliments d’origine animale aux végétaux. C’est donc un omnivore ? Non pas vraiment ! En effet,  le flexitarien se distingue de l’omnivore. Ce dernier mange de tout mais sans limite de fréquence et sans notion de respect de l’environnement et des producteurs. De son côté, le flexitarien mange en quantité raisonnée en prenant en compte l’équilibre, la variété, l’origine: locale ou non, et la durabilité de son alimentation.

etre flexitarien définition

Concrètement, vis-à-vis de la consommation de viande, un individu flexitarien privilégie de la viande de qualité en juste quantité et bien sûr issue d’une production responsable et durable. En bref, l’idée est de lever le pied sur sa consommation de viande en choisissant d’en manger de façon raisonnable et raisonnée.

Pour moi, un mode de vie finalement aussi instinctif que réfléchi

Dans ma vie personnelle et plus globalement dans mon rapport au monde, je suis allergique au dogmatisme surtout lorsqu’il est presque par essence culpabilisant. C’est sans doute pourquoi le flexitarisme me parle tant. Ainsi, être libre de choisir son alimentation tout en mangeant en conscience me convient parfaitement. Depuis de nombreuses années maintenant j’ai fait le choix de privilégier le plaisir et la qualité et non pas la quantité ! Ce choix s’est fait naturellement sans réelle réflexion.

Cependant, depuis trois ans et la naissance de ma fille, j’ai –dirons-nous- bien plus « conceptualisé » la chose. Amoureux du bien-vivre mais pas à n’importe quel prix, je souhaite transmettre cette façon de se positionner au monde à ma fille. Dès sa diversification alimentaire, j’ai voulu que nos assiettes soient équilibrées et variées à partir de produits de qualité et au maximum issus de filières durables.

J’ai alors commencé à lire de façon beaucoup plus attentive les étiquettes concernant l’origine et  la composition de notre alimentation. Pour la viande bovine, par exemple, même s’il m’arrive d’en acheter en grande surface, je suis intransigeant. Je me réfère, de suite, aux informations liées à la traçabilité. Ainsi je ne choisis que des morceaux originaires de France à la fois pour la naissance, l’élevage et l’abattage. Bref c’est simple : c’est le cas si une seule origine (France) est mentionnée !

Bref, ce fut une très belle expérience! Loin de mes terres augeronnes natales et de mon actuelle vie de citadin, je suis même revenu avec un joli bronzage (même pas agricole). Preuve que le soleil brille également en Normandie et qu’il faut parfois se départir de certaines idées reçues. Les Rencontres Made in Viande ont même été jusqu’à là !