Né dans le Pays d’Auge et y ayant vécu jusqu’à mes vingt ans, je porte une affection toute particulière aux productions propres à la Normandie. Pourtant, entre le Calvados, le Camembert, le Livarot ou encore la Teurgoule, il y a une spécialité qui n’a jamais réussi à s’imposer sur ma table et dans mon cœur : le cidre ! Dans mon esprit, il restait associé au cidre maison de mon grand-père, et même avec le temps, je n’appréciais pas son goût. Alors lorsque j’ai rencontré Benoît Leclerc des Cidrologues, il a d’abord crié à l’hérésie. Puis il a décidé de prendre les choses en main.
C’est ainsi qu’il y a quelques jours, je me suis retrouvé à marcher dans ses pas pour me rendre au salon CidrExpo, un peu comme un jeune padawan suivant son maître. En entrant, sûr de son fait, il me glissa une : « La production cidricole, tu aimeras ». Une phrase qui dans mon esprit s’entrechoqua avec celle d’un autre Benoît – Poelvoorde cette fois- qui avec son ami et dans le film Saint-Amour fait la route des vins au Salon de l’agriculture.
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Les Cidrologues débarquent à la fromagerie Conquérant
Malpoli que je suis ! Je vous parle de mon guide en omettant de vous faire les présentations ! Benoît Leclerc est le créateur de la boutique Les Cidrologues qui s’est installée dans la plus que gourmande rue Guillaume le Conquérant en octobre 2021.
Avec sa connaissance du savoir-faire des producteurs de Cidre, de Calva et de Poiré
En ouvrant les Cidrologues (dans un premier temps au N°27 de la rue), Benoît a décidé de mettre en avant la pomme et son terroir. Mais le bonhomme n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine. En effet, Benoît Leclerc est l’ancien responsable de la Boîte à Calva qui se situait rue Froide. L’homme est également connu des amateurs de vins de la place caennaise comme l’ancien caviste de BiBoViNo. Un parcours où, à chaque étape, il a marqué par sa capacité à partager sa passion et sa convivialité.
Plus encore, ce cheminement entre rangs de vignes et pommeraie lui a permis d’affiner et d’approfondir ses connaissances en matière de technique de dégustation avec de vraies accointances pour les productions cidricoles et celles issues de la distillation de la pomme. Bref, le gaillard est doté d’un palais aguerri à la dégustation qui donne clairement confiance quant à sa capacité de conseil.
La cave cidricole Les Cidrologues est à son image. Un lieu convivial, de découverte, d’échange et de dégustation autour du savoir-faire des producteurs de cidre, de Calvados mais aussi de Poiré. Benoit s’inscrit dans une démarche de dépoussiérage des emblématiques boissons normandes pour en finir avec l’image figée du cidre ou du calvados.
Le choix de la synergie entre Les Cidrologues et la Fromagerie Conquérant
Une approche et un parti-pris qui ont conduit Benoît à poser ses bouteilles au sein de la fromagerie Conquérant. L’objectif est simple (et m’est presque directement adressé puisque -honte à moi- je n’ai jamais mis les pieds dans sa boutique au 27 rue Guillaume le Conquérant) : Si tu ne viens pas au cidre, le cidre viendra à toi ! Pour moi, cela a totalement fonctionné, pour preuves les lignes que je suis actuellement en train d’écrire. Et je ne pense pas être le seul dans ce cas !
Les Cidrologues mettent en lumière le cidre
L’idée est donc de montrer au plus grand nombre, le rajeunissement qui s’opère dans le monde cidrier. Les néo-producteurs telles que Les Brigades du cidre qui sont une nouvelle génération de producteurs travaillant la pomme comme des vignerons travaillent le raisin. Des processus qui révèlent aujourd’hui tout le potentiel de nos terroirs. Oui, nos terroirs ! Car le cidre, pour ne parler que de lui (c’est un peu le sujet aujourd’hui) est loin d’être monolithique. Les productions de cidre sont gustativement extrêmement variées et proviennent de Normandie, du Pays Basque, de Bretagne…mais aussi de coins de France beaucoup moins évidents. Mais nous verrons cela un peu plus tard !
Ouvrir vers des accords mets-cidre et replacer le cidre sur les tables
L’autre finalité qui a motivé Benoît à s’installer dans la fromagerie de Boris Simao est d’offrir et de s’offrir une « fenêtre » de jeu en matière d’accords mets-cidre. Avec ce rapprochement physique, c’est aussi un rapprochement gustatif que se met à l’œuvre. En achetant des fromages, on peut se laisser tenter par une belle bouteille de cidre pour les accompagner. A mon sens, c’est une belle et bonne façon de remettre le cidre sur la table et pas uniquement au moment où l’on mange des crêpes…
Bref les cidrologues souhaitent vous faire apprécier le cidre tout au long d’un repas de l’entrée au dessert. Voilà pour mon guide à CidrExpo ! Et ce qui suit n’est autre que le fruit de nos échanges sur ma redécouverte du cidre durant le salon.
Mes petites découvertes à CidrExpo
Que trouve-t-on chez notre hôte, le salon international CidrExpo ?
Je vous ai présenté mon guide, mais la bienséance veut que je vous présente également CidreExpo notre hôte ! Avec Benoît des Cidrologues nous nous sommes rendus à sa seconde édition sous cette forme. En effet, après un premier salon en 2020, il n’y en eut qu’un seul autre et en version numérique en 2022. Cette année, c’était à nouveau en physique et au Parc des Expositions à Caen (Normandie).
Cette manifestation est dédiée aux producteurs de cidre normand, issus d’autres régions françaises et même étrangers. Leur savoir-faire est mis en lumière à CidrExpo grâce à des dégustations, des conférences, des ateliers ainsi que des animations. Ainsi, les produits cidricoles et leur grande variété démontrent durant ces deux jours qu’ils ont toutes leur place notamment en matière culinaire ou en mixologie. D’autres productions à base de pommes telles que le pommeau, le Calvados, le vinaigre de cidre et les jus de pomme peuvent également être découverts pour l’occasion. Autant de facettes qui traduisent le bouillonnement du monde de la pomme et des produits cidricoles … Je n’en avais pas conscience mais Benoît des Cidrologues allait vite éclairer ma lanterne !
Les cidres et les bouteilles de cidre qui ont eu raison de mon obscurantisme cidricole
Pour m’immerger dans cet univers non pas « du » mais « des » cidres, mon guide avait sans doute sa petite idée concernant la méthode : rencontrer, goûter, comparer, le tout avec un verre à la main ! Pour définir notre parcours et nos rencontres au sein du salon, Benoît m’avait, au préalable, demandé de définir ce que je n’aimais pas dans le cidre, et ce que j’aime boire en matière de bière et de spiritueux. C’était assez simple, puisque je n’apprécie absolument pas le goût sucré et trop fruité associé à l’alcool ! En réponse, son simple « ok » me fit comprendre qu’il n’était nullement effrayé par le défi mais surtout que mes certitudes étaient, sans doute, parées de grandes méconnaissances.
La cidrerie Eclectik en Bourgogne
Assemblage et fût : le choix de la diversité pour jouer avec les saveurs
Pour lancer notre balade en terres cidricoles, Benoît des Cidrologues a choisi de jouer le contre-pied. En effet, la première étape qu’il choisit sur notre route du cidre rien qu’à nous fut en…Bourgogne. C’est un petit malin le Benoît car cette cidrerie à la particularité de proposer des cidres à partir d’assemblage.
En effet, cette cidrerie installée du côté de Beaune récolte certes des pommes dans ses vergers sauvages mais sélectionne et utilise également d’autres jus produits par des cidriculteurs installés dans de nombreuses régions de tradition cidricole, tels que le Pays d’Othe, la Normandie, le Perche, le Jura ou la Bretagne. Cette approche singulière permet à Eclektik de proposer une large palette de cidres en jouant sur ces origines. L’autre typicité de ces cidres de Bourgogne provient de leur fermentation lente en fûts de vins et de spiritueux. De ce travail d’assemblage naît, depuis 2020, différentes cuvées de cidre avec leur propre complexité aromatique.
Les cidres de la cidrerie Eclectik que j’ai goûté et apprécié !
De leur production, j’ai d’abord goûté les notes de pommes fraîches au nez les touches florales et mentholées du cidre extra brut baptisé « de cidre de là ». Un cidre assez vif tout en restant équilibré. Ensuite, j’ai été séduit par le surprenant « Au détour(be) d’Islay ». Ses notes fumées et légèrement tourbées au nez ont totalement surpris. Étrange ? Pas tant que cela ! La fermentation de ce cidre s’est faite dans un fût de scotch whisky tourbé (île d’Islay). La suite en bouche de ce cidre est acidulée et assez intense. On y perçoit également des notes de figue dues à une macération de figues fraîches durant 3 mois.
Enfin, mon cidre chouchou chez Eclektik est clairement « amer armor » qui est issu d’une co-fermentation avec des agrumes (oranges/citrons) , du houblon et de la fleur de sureau ! Effectivement son élaboration pourrait titiller les puristes, mais personnellement j’ai pleinement adopté ce cidre puissant et amer.
La cidrerie du Pays d’Auray de la famille Maho
Je connaissais déjà le Pays d’Auray et sa proche région mais non pour son cidre. C’était en hiver 1999, moi le jeune étudiant normand, j’avais arpenté les plages d’Etel afin de nettoyer bénévolement les ravages causés par le naufrage de l’Erika. J’ai, depuis, une vraie affection pour ce petit coin de Bretagne. Alors lorsque Benoît des Cidrologues a choisi de me présenter cette cidrerie familiale, je savais qu’elle partait déjà avec un à priori positif au petit goût de nostalgie. Un petit goût de « reviens-y » auraient pu dire certains.
Le cidre Guillevic comme témoin du terroir morbihannais
La production de ce cidre se fait dans une ferme familiale qui a vu pas moins de neuf générations d’agriculteurs travailler ces terres. Mais c’est la dernière (en la personne de François) qui, en plus de l’élevage et de la culture, a choisi en 1998 de se lancer dans la pomme et sa transformation. Pour ne rien enlever, leurs vergers situés sur les communes de Locoal-Mendon et de Crac’h sont passés en bio depuis 2018, ce qui fait que l’ensemble de la production est passé en agriculture biologique.
Avec ce respect du terroir, la cidrerie du Pays d’Auray ne pouvait que mettre en avant la pomme Guillevic et donc produire du cidre Guillevic (obtention du Label Rouge Royal Guillevic et IGP Cidre de Bretagne) ! La famille Maho propose également des assemblages de différentes variétés. Cependant leurs cidres ont une ligne directrice, celle d’un cidre fermier, fruité en bouche, comme leurs aînés aimaient.
Les cidres de le cidrerie de la famille Maho que j’ai goutés
J’ai eu d’abord envie de mettre en avant l’une des spécialités du Morbihan: le cidre Guillevic. Fruité et pétillant un peu comme un champagne, ce cidre breton est élaboré à l’ancienne. Bon, je ne vais pas vous mentir ce n’est pas ce que j’ai préféré de CidrExpo. Cependant il faut reconnaître que derrière ses doux reflets verts, il propose quelque chose de riche avec notamment au nez ses notes de fruits exotiques et de cannelle. Des saveurs fruitées assez gourmandes et toute en rondeur qu’on retrouve également en bouche.
En revanche, leur cidre extra-brut fermier m’a, lui, beaucoup plus emballé ! Son assemblage est le même depuis le grand-père de François et Yves Maho. Fruité également au nez mais avec des notes végétales. En bouche, son acidité fleurie m’a de suite séduit ! Un cidre breton sec, bien charpenté et puissant: le contre-pied de ce que j’ai pu connaitre dans ma jeunesse dans le Pays d’Auge. Sacré breton, ils ont réussi à me faire renier mon pays ! Leur brut mérite également le détour et pourrait mettre d’accord beaucoup d’amateurs de cidre grâce à son équilibre entre la sucrosité, l’acidité et l’amertume.
Enfin, de par leur approche respectueuse de leur terroir, je ne peux pas omettre de vous dire que la cidrerie fabrique une autre spécialité traditionnelle bretonne : le chouchen. Cet hydromel de la cidrerie du Pays d’Auray est issu de la fermentation de jus de pomme et de miel.
Le cidre du Cotentin de la famille Lemasson
Quand je parlais de mon désamour pour le cidre, beaucoup de mes interlocuteurs me dirent que c’était parce que je n’avais jamais goûté de cidre venant de La Manche. Pour parler vrai j’étais assez dubitatif, surtout lorsque le dit interlocuteur venait de ce département. Alors lorsque ma petite balade dans CidrExpo m’a conduit jusqu’à Damien Lemasson producteur de cidre du côté de Cametours, j’étais assez impatient de découvrir enfin ce qu’il proposait.
Une production cidricole fermière et biologique
Ici également c’est une histoire de famille ! En effet, Damien Lemasson reprend en 1997 une ferme familiale. Une ferme en agriculture biologique depuis 1988 ! Passionnée de cidre et de nature, il installe la cidrerie à Cametours et développe l’activité dans le respect des savoir-faire et de l’environnement tout en prenant le pari de dépoussiérer l’image du cidre avec une commercialisation moderne et attrayante. A partir de 22 variétés différentes de pommes produites sur l’exploitation dont beaucoup de locales (Marin Onfroy, Cartigny, Clozette,…), un œnologue aide aux assemblages. Puis leur cidre 100% pur jus est mis en bouteille par une méthode traditionnelle avec une prise de mousse naturelle et non pasteurisé. Une pratique traditionnelle abandonnée par plus de 98% des cidres commercialisés gazéifiés artificiellement. Bref une véritable mise en avant de la culture du cidre.
Les cidres Lemasson que j’ai appréciés lors de CidrExpo
Tout d’abord, il y a le cidre « Cask obligatoire ». Un joli jeu de mots avec le mot « fût » en anglais qui cache un cidre qui a obligatoirement séjourné trois mois dans un fût de Calvados. C’est un cidre d’exception qui mélange subtilement la douceur du fruit et la ténacité du Calvados. Plutôt brut, il a plu à mon palais. Il se dit même qu’après plusieurs années en cave, il saura vous surprendre. Un vrai cidre de garde !
Ensuite, j’ai également pris plaisir à découvrir leur Cidre Extra-Brut A.O.C. Cotentin – Bio Cohérence. Ce cidre sec et traditionnel ressemble effectivement à ce qui me plaît gustativement. Et le fait que Damien Lemasson soit une personne de conviction passionnée et passionnante n’est pas pour rien dans cette agréable découverte.
Je me devais de prendre un petit quelque chose de sa production. Mais on ne se refait pas : ce fut du Calvados. J’ai craqué sur leur blanche baptisée « La drôlerie ». Une eau-de-vie de cidre qui a déjà été testée à la maison en digestif et en base de cocktail. Eh oui! Chez Lemasson on ne fait pas que du cidre mais promis cela tourne toujours autour de la pomme ! Jus de pomme, apéritif, digestif, pommeau, au total ce ne sont pas moins de dix-huit produits différents que propose le cidre Lemasson.
Je parle, je parle et je m’aperçois que je suis loin de vous avoir parlé de toutes mes découvertes cidricoles en compagnie de Benoît des cidrologues… Une pause s’impose et je prends rendez-vous avec vous pour la suite dans un autre article.
Mon premier débrief avec Benoît des cidrologues
Au salon CidrExpo, Benoît et moi nous nous sommes également accordé une pause. Enfin, c’est Benoît qui me l’a accordé puisque, pendant que je méditais sur l’explosion de mes a priori sur le cidre, ce dernier participait à l’une des conférences organisées pour l’occasion.
Je me suis très rapidement rendu compte qu’il n’existait pas un cidre mais des cidres. De ce fait il me semble difficile d’affirmer qu’on n’aime pas le cidre tant il existe une grande diversité dans les goûts et les techniques de production. J’ai compris, en parcourant le salon, que les productions de cette boisson pétillante à base de pomme s’écartaient de plus en plus de l’image de la bolée, de la crêpe et du cidre de papy.
En discutant avec les exposants, j’ai aussi pu me rendre compte de l’immense travail et du savoir-faire nécessaires pour produire une bouteille de cidre. En effet, un cidriculteur est un expert en fermentation mais aussi un agriculteur (ce que le brasseur n’est pas par exemple). Et rien que pour cela, je vais dorénavant faire une petite place pour le cidre sur ma table!
