Pour nombre de Caennais, l’Abbaye d’Ardenne est un peu cet édifice se dessinant à l’horizon lorsqu’on prend le chemin de La Manche, faisant partie du paysage mais, finalement, n’en sortant jamais. Un peu comme si ce lieu était assigné à résidence dans un « lointain proche » dont il ne pouvait s’extraire. Mais qu’on se le dise, nous sommes loin du mirage notamment culturellement !  Bien au contraire ! L’abbaye d’Ardenne, située au cœur de la Normandie, est un site magnifique, un lieu chargé d’histoire où la culture se déploie, toute l’année. En effet, cette ancienne abbaye Prémontré, fondée il y a plus de 900 ans, abrite en son cœur l’Institut mémoires de l’édition contemporaine (Imec).

Abbaye d ardenne Imec
@Imec

Il y a quelques semaines, j’ai été invité par Cyril Meniolle de Cizancourt -chargé de développement de l’Imec-  à me plonger, avec lui, dans ce véritable trésor culturel. Une véritable chance pour moi de dépasser mon « horizon des (im)possibles » et d’enfin découvrir ce lieu. Un lieu qui vit passer des chanoines érudits, subit des épreuves et des révolutions qui ont façonné son destin et qui, aujourd’hui dans sa nouvelle vie, accueille des chercheurs, des artistes et des passionnés venus du monde entier pour découvrir les archives de grands écrivains, philosophes, journalistes et artistes. Parmi eux, et pour n’en citer que quelques-uns : Marguerite Duras, Colette, Patrice Chéreau, Erik Satie, les frères d’Ardenne, mais aussi Bernard Pivot, Edgar Morin ou Jacques Derrida…

Table des matières

L’abbaye d’Ardenne : Un lieu empli d’histoire

Se dressant fièrement sur la commune de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, cette troisième grande abbaye de l’agglomération caennaise -avec l’abbaye aux Hommes et l’abbaye aux Dames- possède une très riche histoire.

Imec abbaye d'Ardenne

La fondation de l’abbaye Notre-Dame d’Ardenne

C’est au XIIème siècle, et plus précisément en 1121, qu’une petite communauté d’ecclésiastiques s’établit sur cette parcelle. Cette dernière fut donnée par un couple de bourgeois pieux résidant à Caen après une vision de la Vierge Marie leur ordonnant de bâtir une chapelle en ce lieu.  En 1138, une église romane  succède à cette chapelle primitive Puis, un prieuré y est établi. Rapidement le Chanoine Gilbert en prend la tête. En 1160, le petit prieuré devient une abbaye indépendante et se développe notamment avec une campagne de construction et des acquisitions de patrimoine dans les environs.

Tiens, mais pourquoi l’abbaye d’Ardenne s’appelle d’Ardenne ? J’ai longtemps cru que c’était en référence à la région des Ardennes mais jamais réellement réfléchi à la raison de la disparition du S. Faute d’orthographe ? Pas du tout ! En creusant un peu du côté de la toponymie, plusieurs versions émergent. Tout d’abord le nom « Ardenne » viendrait du vocable celte ar-denn qui signifiait «forêt de chênes». D’ailleurs, un hameau portant le nom de La Chesnaie à proximité de l’abbaye semble corroborer cette explication. Une autre origine possible : l’abbaye aurait été construite sur l’emplacement d’un ancien temple gaulois qui était consacré à la déesse celte Arduina. Enfin, d’autres sources évoquent des racines italo-celtiques. En effet, l’abbaye se situant sur le point le plus élevé de la plaine de Caen, on peut supputer des liens avec le terme latin arduum, «qui se dresse en hauteur», et le terme gaulois arduenna, «montagne».

L’abbaye d’Ardenne de la fin du Moyen Âge à la Révolution Française

La guerre de Cent Ans

Nous pouvons « établir » le début de cette période avec la guerre de Cent Ans qui vit l’abbaye d’Ardenne victime d’une invasion anglaise. Le 14 décembre 1417, pendant le siège de Caen, une attaque et un pillage contraignirent les moines à se réfugier dans les murs de la ville assiégée. Ensuite en 1444, la petite communauté religieuse entre dans l’ordre des chanoines de prémontrés. Ce qui n’empêchera pas la capitale normande de tomber en 1450, mais le roi de France Charles VII, viendra pour reprendre la ville et s’installera le 5 Juin 1450 à Ardenne et pour toute la durée du siège. Le 5 Juillet 1450 la garnison anglaise se rend, et à la fin de la guerre l’abbé Robert Chartier fait reconstruire le cloître ainsi qu’un bâtiment conventuel. Et finalement, toute la fin du XVème siècle sera prospère pour l’abbaye d’Ardenne.

Le déclin à la période des guerres de Religions

A contrario, le XVIème siècle fut pour l’abbaye une époque de décadence en raison de la mise en place d’un régime de la commende. L’abbaye passa alors sous l’autorité d’une personne extérieure à l’ordre. Ce lent déclin s’explique par les différents abbés commandataires -sous le régime particulier de la Commande- qui privèrent les chanoines d’une grande partie de leurs ressources à leur profit. Au fil des décennies, l’entretien de l’abbaye s’en ressenti largement. Un certain relâchement de la vie religieuse mais surtout les guerres de religion finirent par conduire l’abbaye à une destruction presque totale. En 1562, l’abbatiale fut saccagée et profanée, laissant les lieux à l’état de presque ruine (l’abbatiale sert d’étable !). Un avenir plus que précaire, mais la vie communautaire survit et évite la disparition totale d’Ardenne.

La renaissance de l’abbaye d’Ardenne initiée par le prieur Jean de la Croix

Cette renaissance débute en 1596 avec l’arrivée du prieur Jean de la Croix. Il commence son œuvre de restauration matériellement mais aussi spirituellement. En effet, il ramène la règle à plus de rigueur conformément à l’esprit prémontré. Petit à petit, du mobilier est acheté et l’abbatiale est consacrée en 1609, ce qui permit de célébrer un office religieux, chose qui n’était plus arrivée depuis cinquante ans !

Gomboust, Abbaye d'Ardeine les Caen, 1682, BMC
@Imec

Sous son égide, pendant ses 58 ans de présence en tant que chef spirituel du lieu, une bibliothèque, un dortoir, et la fermeture de l’enceinte du cloître ont notamment été réalisés. L’œuvre de Jean de La Croix a été poursuivie après sa mort, (le 4 janvier 1654) avec la construction de la porte Saint Norbert et le pressoir. La rénovation architecturale continua jusqu’en 1789. Néanmoins l’homme peut être largement considéré comme le second fondateur de l’abbaye d’Ardenne.

L’abbaye d’Ardenne durant La Révolution française et ses conséquences

A la Révolution française, les chanoines sont chassés de l’abbaye et son caractère religieux disparaît. Une fois dépouillée de son mobilier, Ardenne est mise en vente. Le 1er mai 1791, c’est un parisien nommé Jean Jacques David Chauffrey qui l’achète. Des destructions telles que celles du dortoir et d’une partie du cloître semblent dater de cette époque. Mais nous verrons par la suite que cela n’est, hélas, qu’un début…

En 1799, l’abbaye est acquise par William Russell, un Anglais qui y vivra jusqu’en 1814. Pendant quelques temps, il fera même de l’église abbatiale un temple protestant. Son départ sonnera le début du morcellement de la propriété de l’abbaye, mais aussi et surtout de l’amorce d’une série de destructions (le cloître, le logis abbatial). Dans le même temps, des bâtiments de ferme sont ensuite construits par les nouveaux propriétaires, et les bâtiments restant debout utilisés pour des activités agricoles.

Eglise d'Ardaine, dessin de Benoist, lithographie de A. Mathieu, figure de Gaildrau, s. D., milieu du 19e s.
@Imec

Pourtant en 1918, les principaux édifices de l’abbaye d’Ardenne sont classés au titre des Monuments historiques. Cette reconnaissance permettra d’offrir au lieu une protection face aux ravages du temps et d’empêcher la disparition du caractère initial de l’abbaye d’Ardenne.

L’Abbaye d’Ardenne : théâtre de drames durant la Seconde Guerre Mondiale

Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent sur les plages normandes. Face à ce débarquement, l’armée des occupants allemands investit l’abbaye d’Ardenne le 7 juin 1944. Point stratégique, en raison de son positionnement, elle l’est aussi grâce à ses hautes tours permettant d’observer les mouvements de troupes et ce jusqu’à la mer. C’est la tristement « célèbre » 12e division allemande SS-Panzer Hitlerjugend qui en prend possession. Dans le même temps, ce même 7 juin, les Allemands se lancent dans une contre-attaque et font prisonniers des soldats canadiens de la 3e Division d’infanterie, qu’ils emmènent à l’abbaye.

Comme à Ascq, et au mépris des conventions de Genève et des droits des prisonniers, la division SS va se rendre coupable d’un terrible massacre. Dirigés par Kurt Meyer, les SS vont exécuter de façon sommaire dix-huit jeunes canadiens. Sur les lieux du drame, un jardin mémoriel est aujourd’hui présent et permet de se souvenir de ce tragique événement. Après des combats acharnés, l’abbaye n’est reprise que le 8 juillet 1944 par les soldats canadiens du Regina Rifle Regiment.

L’abbaye sort quasiment en ruines de la guerre. Tous les toits ont été soufflés, les charpentes brûlées et les murs éventrés. L’abbatiale, quant à elle, est restée debout, mais elle est très gravement endommagée. L’ensemble (enfin le reste) du site est rapidement classé Monuments Historiques et une destination conforme à son statut patrimonial est alors recherchée.

1948 Abbatial Abbaye d' Ardenne
@DRAC

Le temps de la reconstruction et l’installation de l’Imec

Après une reconstruction dans l’urgence (mais somme toute assez sommaire) juste après guerre, puis de plus importantes rénovations de la Grange et de l’abbatiale dans les années 1960, les idées pour redonner sa grandeur à cette abbaye aux champs se multiplient mais sans qu’aucun projet n’aboutisse. Cependant différentes campagnes de restauration se succèdent et des fouilles archéologiques sont entreprises.

En  1994, la région Basse-Normandie achète l’ensemble de l’abbaye (encore partagée entre trois propriétaires) pour un projet d’échanges culturels franco-américain (Le Normandy Scholars Program). L’opération ne se fait pas mais permet de lancer une grande phase de restauration. Les rénovations du farinier, des écuries, de la porte de Bayeux et du corps de logis sont alors lancées. S’en suivent de nombreux scénarios, du centre commercial à l’hôtel de luxe et qui, heureusement, ne verront jamais le jour.

En 1995, dans le vaste mouvement de décentralisation régionale, le potentiel d’accueil du site donne l’idée à la région de rencontrer puis d’accueillir à l’abbaye d’Ardenne l’Institut mémoires de l’édition contemporaine (Imec). En 1996, une fois l’installation actée, une nouvelle campagne de restauration est initiée, en accord avec la vocation et les activités de l’Imec. L’abbatiale est notamment transformée en bibliothèque et la grange aux dîmes en auditorium pouvant accueillir manifestations, colloques et expositions.

En Mars 2004, c’est l’inauguration des lieux et l’emménagement de l’Institut au sein de l’abbaye d’Ardenne. Ce magnifique site patrimonial retrouvant ainsi un rôle culturel et intellectuel de premier plan.

L’Imec : Faire vivre la mémoire de l’écrit, de l’édition et de la création

Alors clairement, avant de rencontrer Cyril, je n’avais qu’une idée très vague de ce qu’était l’Imec ! Pour moi c’était un « quelque chose » en lien avec la littérature et sa préservation et…cela n’allait pas plus loin !  Arpenter avec lui les coins et recoins de l’abbaye d’Ardenne était donc une chance pour moi de comprendre, enfin, les missions de l’Institut mémoires de l’édition contemporaine.

L’Imec préserve la mémoire du patrimoine écrit

Dans une époque où les contenus culturels semblent de plus en plus éphémères, l’Imec se pose comme un rempart contre l’oubli. En effet, l’avènement du numérique a transformé profondément le paysage éditorial, menaçant de reléguer les traces matérielles au second plan. C’est là que l’Imec entre en jeu. Fondé en 1988, cet organisme à but non lucratif est donc dédié à la collecte, la conservation et l’étude des archives des grandes maisons d’édition, des écrivains, des intellectuels de tous horizons.

Ses réserves abritent des milliers de documents : manuscrits, correspondances, photographies, maquettes, entretiens et bien d’autres trésors. Ces trésors, patiemment collectés, témoignent de l’évolution des pratiques éditoriales, des modes de création et des échanges qui ont finalement façonné notre société. Avec ses fonds documentaires riches et variés, l’Imec ouvre véritablement une fenêtre sur l’histoire littéraire, culturelle et philosophique récente.

L’Imec est un lieu de vie pour les archives

Dans  le paysage culturel français, ce lieu singulier se démarque également et surtout par sa mission de valorisation du patrimoine éditorial contemporain. En effet, l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine est très loin de l’image d’un simple dépôt d’archives poussiéreuses. Bien au contraire ! Pour mettre en valeur ses collections exceptionnelles, l’implantation de l’Imec à l’abbaye d’Ardenne a été pensée avec l’ambition de simplifier et stimuler des recherches dans ce domaine.

C’est un lieu véritablement vivant, vibrant, où des chercheurs, des écrivains et des passionnés de culture se retrouvent pour explorer les méandres de la création littéraire et de la pensée contemporaine. Et en ce sens, l’abbaye d’Ardenne offre un cadre idéal à la réflexion et propice à l’inspiration. Les chercheurs bénéficient de conditions de travail optimales, et accèdent aux ressources nécessaires pour approfondir leurs travaux.

Un joyau architectural au service du développement des savoirs sur la vie littéraire

Cette abbaye a vu passer des chanoines érudits, subi des épreuves qui ont façonné son destin. Mais aujourd’hui, elle rayonne d’une nouvelle vie, accueillant des chercheurs, des artistes et des passionnés de tous horizons dans ses murs ancestraux.

La monumentale bibliothèque de recherche de l’Imec implantée dans l’ancienne abbatiale

L’abbatiale: Un modèle d’intégration contemporaine dans du patrimoine ancien

La façade restaurée de l’édifice est aussi imposante que magnifique. Et dès qu’on entre dans cette bibliothèque, on constate immédiatement que son installation dans l’église abbatiale constitue un véritable modèle d’intégration contemporaine dans du patrimoine ancien. L’architecture de la salle, réalisée par Bruno Decaris, est époustouflante ! La voûte et les piliers restaurés de l’abbatiale intègrent des éléments modernes qui accueillent les ouvrages.

Bibliothèque Imec Abbatiale
@Imec

Quoique bien plus lumineuse et moins oppressante, cette imposante bibliothèque m’a fait, un peu, penser à celle de l’université de Guernon dans le film « Les rivières pourpres » (tournée dans le musée bibliothèque de Grenoble !). Dans l’atmosphère presque monastique de la nef, les chercheurs et les auteurs du monde entier viennent consulter sur place les fonds documentaires de l’Imec, avec à l’appui, près de 60.000 ouvrages spécialisés, réunis dans la bibliothèque de recherche accessible à toutes et tous.

rivieres-pourpres-bibliotheque-universitaire

À travers ses documents soigneusement sélectionnés et ses dispositifs (accès aux archives de l’INA, en prime), les visiteurs peuvent plonger dans les univers créatifs d’écrivains renommés, plonger au plus profond de la pensée de grands philosophes, historiens ou journalistes, découvrir les coulisses de la fabrication des livres ou encore s’interroger sur les enjeux du monde de l’édition.

Le travail de l’ombre de l’Imec

Notez que l’abbatial n’est que la partie émergée de l’iceberg de l’Imec. En effet, Sous la bibliothèque ouverte à quiconque cherche un lieu pour travailler, lire ou écrire au calme, se cache le véritable trésor, les fonds d’archives, conservés en sous-sol et soumis à des normes hydrométriques strictes. Ces espaces de conservation se visitent également, de manière exceptionnelle et sur réservation, par exemple pendant les Journées du patrimoine. Parallèle à la bibliothèque se trouve le Pavillon des collections

Seul bâtiment récent sur site à ce jour (en béton à toiture en voûte), il est dédié au il est dédié au tri, à l’ inventaire et au reconditionnement des archives. Un traitement complet qui permet de les rendre accessible au plus grand nombre et continuer ainsi à faire vivre la mémoire de l’écrit.

Le farinier

Comme vous l’avez vu, l’abbaye d’Ardenne est bien plus qu’un simple témoignage du passé. Ce site remarquable conjugue le charme d’un magnifique monument du XIIe siècle et l’activité vivante d’une institution au service de la culture. D’ailleurs dans l’enceinte de l’abbaye d’Ardenne, plusieurs bâtiments sont à destination du personnel, des chercheurs et des auteurs en résidence.

C’est le cas au Sud du site, avec le farinier qui possède deux fonctions. La première partie concernant l’ancien farinier et la boulangerie est réservée aux cuisines et au réfectoire sis dans un ancien cellier. Il se laisse même dire que c’est une très bonne table où l’on consomme les légumes du jardin potager ! La seconde partie de ce bâtiment, les étages, est, quant à elle, utilisée pour loger les chercheurs (une quinzaine de chambres dans ce qui était le corps de logis) venus consulter plusieurs jours d’affilée l’imposante collection d’archives contemporaines.

La Ferme Vico

Au Nord-Ouest, des studios ont également été aménagés. Ils accueillent en résidence des auteurs venus chercher l’inspiration. Ces résidences d’auteurs, d’écrivains, poètes ou romanciers, permettent aux créateurs de tous horizons de s’immerger dans cet environnement exceptionnel, de puiser dans son histoire et de donner naissance à de nouveaux récits ou à de prochaines publications. Pour sa part, le logis du fermier, édifié en 1825, est utilisé aujourd’hui en tant que bureaux pour le personnel de l’Imec. Cependant, nous sommes loin d’avoir énuméré l’ensemble des bâtiments présents dans l’enceinte de l’abbaye d’Ardenne. Et pour cause ! Nous n’avons pas encore évoqué la troisième mission de l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine !

L’Imec : un programme culturel gratuit toute l’année

Au-delà de la recherche académique et de la création littéraire, l’Imec encourage également les rencontres et les échanges entre les différents acteurs de la scène culturelle contemporaine.

Des expositions captivantes, des rencontres et des événements ouverts à toutes et tous

En effet, ce qui fait la magie de l’abbaye d’Ardenne, c’est son ouverture à tous. L’Imec ne se limite pas aux érudits et aux chercheurs, l’Institut ouvre toute l’année les portes de l’abbaye d’Ardenne au férus de culture, aux amateurs d’histoire, de théâtre ou de philosophie, mais aussi aux étudiants, aux simples curieux ou aux baladeurs du dimanche. Avec l’Imec, cette abbaye aux champs est un lieu magnifique où les cultures se rencontrent et se croisent. Pour ce faire, en plus de son rôle de préservation et de mise à disposition des archives, l’institution déploie une programmation culturelle riche et variée. Des manifestations telles que des expositions, des colloques, des rencontres ou encore des concerts sont ainsi proposés toute l’année à un public curieux.

exposition Imec Caen
@Imec

La porte de Bayeux : un seuil ouvrant vers la richesse culturelle du lieu.

J’avais à cœur d’évoquer cette partie de l’abbaye. En effet, cette porte charretière du XIIe siècle, construite dans le style romain normand, est l’un des plus vieux bâtiments d’Ardenne. Après sa rénovation qui a su mettre en valeur ses très belles voûtes, c’est aujourd’hui un espace d’accueil, soigneusement aménagé . On vous y renseigne sur le fonctionnement et la programmation du lieu. Vous est également proposé à la vente une jolie banque d’ouvrages en rapport avec l’abbaye ou avec l’actualité de l’Imec. Cet espace librairie, chaleureux et garni, vaut le détour !

L’organisation par l’Imec d’expositions captivantes dans l’ancienne étable de la ferme Vico

L’Imec organise régulièrement des expositions temporaires , elles aussi gratuites, en lien avec l’univers de la littérature et de l’édition. Ces événements culturels se déroulent au sein du bâtiment réhabilité des anciennes écuries de la ferme Vico. Cet espace modulable, conçu sur mesure pour les expositions d’archives de l’Imec, est un geste architectural à lui seul, élégant, quasi futuriste et qui s’adapte aux enjeux de chaque projet.

La mise en lumière de la pensée et de la méthode de Georges Didi-Huberman

 

affiche table de montage expo

Le jour de ma visite, l’exposition -visible jusqu’au 22 octobre 2023- était consacrée à Georges Didi-Huberman et se nommait « Tables de Montage ».  Cette dernière nous fait plonger dans la pensée et la méthode de travail de ce philosophe, historien de l’art et anthropologue des images. L’homme a notamment reçu le prix Médicis essai 2023 pour « Le Témoin jusqu’au bout. Une lecture de Victor Klemperer » aux éditions de Minuit. Son champ d’études s’étend de la peinture de la Renaissance italienne jusqu’à l’art contemporain. Il porte notamment sur les problèmes d’iconographie scientifique au XIXe siècle et leurs usages par les courants artistiques du XXe siècle, ainsi que sur la politique des images.

La mise en forme physique de sa démarche intellectuelle s’est effectuée à partir des archives de l’immense fichier de travail de l’auteur. Composées de plus de 148 000 fiches, celles-ci recueillent ce qu’il a lu, vu  et aimé. Ainsi aux murs, une partie de ces innombrables fiches de pensées et de lectures viennent faire écho à des photographies et dessins choisis par ses soins. Au fil de la découverte, nos yeux se baladent, cherchant le « chemin de sa pensée » dans cet atlas miniature de sa recherche. Un peu comme si les reliefs (de sa pensée) étaient composés d’éléments visuels et la toponymie par des composants textuels.

Mon avis sur l’exposition Tables de montage à l’Imec

Alors clairement, avant cette visite, je ne connaissais absolument pas Georges Didi-Huberman ! En donnant forme à sa pensée et à son processus d’écriture dans cette exposition, j’ai approché et appréhendé une partie de son œuvre. Mais ce n’était, sans doute, pas l’objectif recherché. Avec Tables de montage, l’idée était, à mon sens, de nous laisser circuler librement dans la pensée de Georges Didi-Huberman ! J’ai pris un réel plaisir à associer textes et photographies comme dans un immense jeu de (re)construction. Au cours de cette singulière expérience, on observe, on comprend, on se trompe, on bifurque, on considère : comme si notre pensée se lançait dans une chorégraphie intellectuelle. Au final, on sort en se demandant si c’est bien la pensée de Georges Didi-Huberman qui s’est donnée à voir ou bien la nôtre ?  Impression assez troublante qui ouvre à réflexion sur notre propre vécu et histoire personnelle.

la pensée de Georges Didi-Huberman Imec
@Imec

Est-ce l’effet recherché dans la démarche de Georges Didi-Huberman? Toujours est-il que « Tables de montage » est un véritable éloge de la méthode avec comme principe « Pas de pensée sans stock, pas de recherche sans outil, pas d’invention sans ordre ».

La grange aux dîmes pour des conférences, des colloques et des spectacles

Cette impressionnante (360 m²) grange aux dîmes du XIIIème siècle construite en pierre de Caen. Elle a été restaurée durant les années 2000. Ce bâtiment de l’abbaye d’Ardenne, à l’origine agricole, permet aujourd’hui à l’IMEC de proposer en son sein conférences, colloques et parfois même, des spectacles ou des concerts. Sa magnifique architecture intérieure où deux lignes de puissants piliers cylindriques séparent la nef centrale des bas-côtés, n’enlève rien à sa capacité d’accueil et d’adaptation. Le lieu peut recevoir jusqu’à 250, voire 300 personnes dans certains cas.

abbaye-dArdennes- grange aux Dîmes
@opus5

Les sujets abordés lors de ces rencontres vont de la poésie au journalisme, en passant par l’histoire, la philosophie ou le militantisme, tout ce qui touche à la pensée contemporaine, à la création littéraire et le monde de l’édition. Ainsi, cette année, des invités tels que Mathieu Amalric, Edwy Plenel, Catherine Millet ou encore Pierre Assouline sont venus à la rencontre d’un public de passionnés mais aussi de plus en plus de curieux, venus découvrir  de nouveaux horizons… Concernant les concerts proposés par l’Imec, je n’ai pu découvrir que celui de Samba de la Muerte, pas dans la grange aux dîmes, mais en extérieur. Un lieu qui, vous allez vite comprendre, m’a particulièrement séduit !

Le café « Les Ateliers » de l’Imec et ses produits respectueux de l’environnement, locaux et de saison

Ouvert au printemps 2023 pour la deuxième saison consécutive, dans la grande cour de l’Imec, ce café permet aux visiteurs de l’abbaye d’Ardenne de faire une petite pause gourmande. Et vous me connaissez dès qu’il est question de bouffe, je fonce ! Et je n’ai pas été déçu ! J’ai été ultra séduit par la composition de leur carte !

Café Les Ateliers Imec
@Imec

Du bon et du bio pour…

Logo-Arbuste-caféEn quelques visites aux Ateliers, j’ai retrouvé et découvert avec gourmandise des produits aussi bons qu’éthiques. A part le vin (Domaine Tessier dans le Loiret, en bio tout de même), tout a été sélectionné avec soin, en circuit court. Tout d’abord, côté boissons, le café vient de chez Arbuste. Un torréfacteur bio dont je suis déjà client pour ma machine à café. Je recommande bien évidemment !

boire…

logo-brasserie-artisanale-bio-la-liePour les bulles, vous pouvez vous désaltérer avec les excellents cidres Ciddrichus et les non moins excellentes bières de la brasserie de la Lie. Des valeurs sûres qui travaillent en bio!  En « softs » et toujours éthiques, les jus de fruits viennent de chez Le Coq Toqué, ma chère et tendre ainsi que ma fille les adorent !  Ah et j’allais oublier (bon c’est beaucoup moins « soft ») le calvados domfrontais Pacory de la ferme des Grimaux, mais là, c’est moi qui adore ! Enfin si vous voulez vous réchauffer, en cas de temps un peu plus frais, un chocolat chaud « Made in Tinchebray » la référence bio de la marque Cémoi, avec du lait entier normand évidemment, feront plus que parfaitement le job.

Mais la véritable surprise, c’est le thé de Gaëlle Rousseau (Jardins de thé), l’un des rares thés cultivés en France et qui nous vient de l’éco-domaine de Bouquetot, dans le Pays d’Auge. Une production confidentielle, que vous ne trouverez nulle part ailleurs (pour l’instant !), avec de jolies créations comme son Thé vert et sarrasin bio, ou bien ses infusions Menthe et mûre ou Tilleul coing, en référence aux essences que l’on trouve à l’abbaye d’Ardenne.

Se régaler de sucré

Des petits plaisirs sucrés sont également prévus pour ravir les papilles des « becs sucrés ». J’ai eu plaisir à découvrir que les glaces et sorbet de la ferme de la Haizerie étaient en bonne place sur la carte du café. Enfin, les célèbres madeleines de la biscuiterie Jeannette (labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant) ne pouvaient que trouver leur place au sein d’un site patrimonial tel que celui de l’abbaye d’Ardenne.

ou de salé…

Et le « salé » ? Eh bien il est de la même veine ! J’ai enfin goûté les chips du Perche de fabrication artisanale ! Ensuite, j’ai retrouvé les Pickles de  betteraves « La falaise qui rougit » découverts lors du Féno 2023. A l’époque, j’avais déjà apprécié ces petits légumes présents ici, autant que leurs terrines, rillettes et tartinables découvert là-bas.

les cochons sont dans le préRillettes?? Quelqu’un a dit rillettes ? Oui et quelles rillettes ! Je me suis totalement régalé avec celles venant de « Les cochons sont dans le pré » de Jérôme Lepoivre. Un véritable délice! Ce n’est pas surprenant venant du champion de France et doublement champion du monde de saucisson ! Une référence 100% porcs de Bayeux, élevés en plein air à Saint-Ouen-de-Sècherouvre. L’art de charcuterie au plus haut niveau! Pas de panique! Vous pourrez également apprécier son œuvre aux Ateliers à l’Imec. On ne va pas se mentir, pour être bien sûr de faire le tour de tout cela, prenez directement leur planche à partager, complétée de quelques fromages bien choisis, et pourquoi pas à l’occasion d’un concert acoustique proposé au café les Ateliers.

Des concerts acoustiques proposés par l’IMEC dans un cadre exceptionnel

En début d’été, je me suis à nouveau rendu à l’abbaye d’Ardenne. Mais cette fois pour assister au concert acoustique de Samba de la Muerte. L’idée était de proposer une formule, avec Adrien Lepêtre au piano, qui permettrait aux spectateurs de découvrir notamment les nouveaux morceaux de l’album Ornament. Je connaissais plutôt bien ce groupe électro normand (vu deux fois en concert) donc j’étais assez impatient d’entendre une version acoustique.

Concert Samba de Ia muerte Imec
@Imec

Le bonhomme ne fut pas déçu. L’ambiance du concert avait quelque chose d’assez envoûtant. Au fil de la session, les puissantes mélodies contemporaines s’approprièrent les lieux, rendant le moment assez exceptionnel. Épurés de leurs teintes électroniques, les notes devenaient alors presque fusionnelles avec les vieilles pierres de l’abbaye. Un très beau moment qui donne envie de renouveler l’expérience et de continuer à s’intéresser à cette abbaye aux champs et à l’IMEC. D’ailleurs, des visites commentées sont organisées régulièrement. J’y pense très sérieusement. En effet, je n’ai pas encore eu le temps de m’attarder sur la poterie Saint-Norbert,  dans le jardin canadien du souvenir, ou le jardin potagers.

Infos pratiques sur l’Imec et l’abbaye d’Ardenne

Voici quelques infos qui vous permettront de découvrir ce lieu chargé d’histoire et désormais pleinement inscrit dans le temps présent avec l’implantation de l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine. Cette dernière incarnant à la fois la sauvegarde du patrimoine culturel et la vitalité de la création littéraire, éditoriale et artistique. Un lieu culturel de premier plan pour l’agglomération caennaise, à 15min du centre-ville !

  • L’adresse de l’abbaye d’Ardenne rue d’Ardennes, 14280 Saint-Germain-la-Blanche-Herbe
  • L’adresse du site de l’IMEC est  www.imec-archives.com
  • Téléphone : 02 31 29 37 37

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