Il y a quelques semaines j’ai eu la chance d’être invité à découvrir, au Pathé Rives de l’Orne, le film La revanche des crevettes pailletées. Ce film constitue la suite des crevettes pailletées sortie en 2019 et réalisée par Cédric Le Gallo et Maxime Govare. Pour ceux qui l’ignorent, ces deux productions sont inspirées d’un vrai club de water-polo gay, dans lequel Cédric Le Gallo évolue depuis 2012. Avant ce second volet des crevettes pailletées, je connaissais cette histoire grâce à la une de L’Équipe où Cédric Le Gallo embrasse l’un de ses coéquipiers de water-polo, mais sans pour autant avoir vu le premier opus. Au moment où j’écris ces lignes, c’est désormais chose faite mais parlons plutôt de celui qui sort en salle ce 13 Avril 2022 : La revanche des crevettes pailletées.
Table des matières
Le synopsis du film La revanche des crevettes pailletées
Le film reprend deux ans après la mort de Jean, l’un des membres des crevettes pailletées. Alors que se profile les Gay Games de Tokyo, leur coach, Matthias, décide d’emmener Sélim, un jeune de banlieue qu’il pense homo, avec les Crevettes Pailletées. Ce voyage que les « crevettes » voient comme un hommage à leur ami parti trop tôt, tourne rapidement au cauchemar lorsqu’ils ratent leur correspondance en Russie. Coincés dans l’un des pays les plus homophobes du monde, une folle aventure aussi rocambolesque que périlleuse les y attend.
Le contexte de la réalisation du film par Cédric Le Gallo et Maxime Govare
Donner une suite au succès du film Les crevettes pailletées
Après le succès venant à la fois du public et de la critique, et avec presque 600 000 entrées France, les crevettes pailletées pouvaient-elles en rester là ? Ce premier film aborda le sujet de l’homophobie dans le sport. Il est de notoriété publique que beaucoup de sportifs -amateurs ou professionnels- ont encore peur de faire leur coming-out. A ce titre, L’équipe –magazine sportif d’envergure- qui osa proposer à ses lecteurs un baiser homosexuel à leur une a apporter au film mais aussi à lutte contre l’homophobie.
Ce second volet élargit le débat, le water-polo restant largement au second plan. Aujourd’hui, même si les personnes LGBT ont plus de visibilité, il existe encore beaucoup de discriminations liées à l’orientation sexuelle. Et hélas, la violence grandissante n’épargne en rien les membres de cette communauté. C’est un peu ce que La revanche des crevettes pailletées vient traiter. En en disant plus sur les personnages, tout en conservant humour et fantaisie, le film aborde le sujet de l’homophobie dans la société.
Un film de niche ? Absolument pas !
Il est souvent dit qu’un film de comédie LGBT est souvent -et au mieux- cantonné à un public niche. Au pire, on se retrouve avec une production cinématographique qui accumule les clichés sur la communauté sans grande finesse, ni message. C’est d’ailleurs pour cette raison que les personnes LGBT ont tendance à être quelque peu sceptiques lorsqu’ils voient un film de ce type sortir.
Du côté des scénaristes et des réalisateurs, ils ont l’impression de tourner chaque séquence en étant toujours sur le fil avec le souci de rendre compte sans édulcorer ni caricaturer. Avec les crevettes pailletées, Cédric Le Gallo et Maxime Govare n’ont absolument pas la prétention de « raconter tous les homosexuels », mais plutôt un bande de potes haute en couleurs : celle de Cédric Le Gallo. C’est, à mon sens, ce positionnement qui fait que ses films ont été plutôt bien perçus par la communauté gay et par le grand public. Une bande de potes, c’est effectivement par cet axe de lecture que j’ai perçu de prime abord, ce second film.
Les acteurs de La revanche des crevettes pailletées
Bilal El Atreby en Selim: la nouvelle recrue de l’équipe
Sélim est un jeune de quartier populaire qui fait du water-polo et qui pense, innocemment, se rendre à une compétition internationale aux côtés des Crevettes Pailletées et se faire remarquer. Côté interprétation, pour son premier grand rôle, Bilal El Atreby est plutôt convaincant dans ce personnage aux airs durs et renfrognés. Toutefois le personnage de Sélim est aussi quelqu’un d’altruiste qui a du mal à se révéler à lui-même et aux autres…
Nicolas Gob en Matthias: le coach et ami des crevettes
Dans ce second film, Mathias, le coach, est pleinement intégré à l’équipe et est devenu un véritable ami des crevettes. Il tient même un peu le rôle de leader qu’avait auparavant Jean. Il n’est plus dans le rejet et l’ignorance vis à vis des crevettes, mais demeure assez maladroit dans ses rapports. Même en étant très bien intentionné, il commet des impairs et provoque des crispations. Dans ce second volet, cette maladresse se cristallise par exemple dans sa relation à Fred mais de là naîtra une très belle histoire d’amitié.
Romain Brau dans le rôle de Fred
Sous ses airs de bulldozer Fred est une personne fragile. Dans La revanche des crevettes pailletées, nous découvrons ce qui se cache derrière cette carapace qu’elle s’est construite. Malgré son caractère flamboyant, Fred éprouve des difficultés à exister en tant que femme et c’est finalement ce qui la rend vulnérable.
Romain Lancry en Damien la crevette la plus touchante
Dans le premier volet, Romain avait toujours l’air un peu à côté de la plaque. Cependant il n’en était pas moins touchant. Dans cette suite, il reste encore ce personnage attendrissant par le fait qu’on apprend que c’est un garçon qui se cache parmi les autres, mais surtout qui craint de dire la vérité sur sa sexualité de peur d’être exclu par ses amis et de son unique famille : Les crevettes.
Les autres crevettes pailletées du film: Alex, Xavier, Vincent, Joel et Cédric
Tout d’abord, Alex vit mal le décès de Jean, l’homme qu’il aimait. Il n’arrive pas à en parler et multiplie les partenaires. Seul face à son chagrin, il va finir par comprendre que c’est avec les crevettes qu’il pourra surmonter cette épreuve.
Xavier, quant à lui, est toujours le gay fier qui aime la fête, le sexe et ses amis. Sa folie et sa liberté sont toujours présentes dans la revanche des crevettes pailletées, cependant il est confronté à un dilemme personnel: il n’arrive pas à faire coïncider sa nouvelle vie en couple avec ce qu’il a toujours vécu et connu.
Vincent est un personnage sensible et très touchant. Il a enfin fait son coming-out, mais il découvre que tout n’est pas rose et que dans la vie il y a des obstacles à surmonter.
Joël, pour sa part, est en couple avec Bram, le millionnaire, donc à mille lieues de ses valeurs militantes de gauche. De temps en temps, toujours un peu autoritaire et peu aimable avec les crevettes, il s’est adouci au contact de Bram. Il s’éloigne du militant qu’il était mais peine à se l’avouer et à l’avouer.
Enfin, Cédric a choisi de privilégier sa vie de couple et de famille avec Bertrand « aux Crevettes ». Pourtant ces dernières lui manquent et il saura répondre présent lorsqu’elles auront besoin de lui dans l’histoire. Au bout de cette seconde aventure il trouvera enfin l’équilibre entre sa vie personnelle et son histoire avec ses copains.
Mon avis sur le film La revanche des crevettes pailletées
Depuis mon adolescence, j’ai une affection toute particulière pour les productions issues de la culture LGBT. Mon livre favori est le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, j’ai écouté Radio FG à l’époque où l’identité de celle-ci s’apparentait encore à Fréquence Gay. Enfin les films de Greg Araki ont une place de choix dans mes DVD. Aujourd’hui encore, lorsque je travaille, j’ai souvent en musique de fond des sons de Hercules and the love affair ou issus de la Chicago House des années 80. Suis-je Gay Friendly ? Sans aucun doute, cependant est-ce vraiment à moi de le dire…Mais revenons au film !
Un film plus militant, plus engagé que le premier volet des crevettes pailletées
Le succès des Crevettes pailletées a permis à Cédric Le Gallo et Maxime Govare d’aborder dans ce second volet le sujet de l’homophobie de façon plus large et de façon plus « politique ». Dans le premier film, la thématique est l’homophobie dans le sport, dans le second le propos se porte sur l’homophobie sous toutes ses formes.
Il y a d’abord le sujet de l’homophobie en banlieue à travers le personnage de Selim. La revanche des crevettes pailletées aborde également l’homophobie d’état en faisant atterrir les crevettes en Russie. Le troisième type d’homophobie que j’ai perçu dans le film est celle provenant de la religion. Il y a une véritable dénonciation des terribles thérapies de conversion. Dans ces camps, cette homophobie prend presque la forme d’une « malsaine bienveillance » car les personnes qui la pratiquent pensent aider en essayant de « guérir » les homosexuels. Enfin, en filigrane mais durant tout le film, l’homophobie qu’on s’inflige à soi-même dans le cadre familial quand on n’assume pas qui l’on est, s’invite également dans Les crevettes pailletées.
Le film n’oublie pas non plus le ressenti des personnes transgenres ou des personnes victimes d’agressions homophobes. Beaucoup de choses à dire finalement ! Mais c’est ce qui fait que ce second volet n’est pas « une suite pour une suite », ni juste le projet de faire un copier coller.
Un film aux ressorts logiquement différents
Avec la dimension plus engagée et politique de La revanche des crevettes pailletées, l’humour y est logiquement différent. Les réalisateurs ont réellement pris le risque de proposer autres choses au public. L’état d’esprit est différent, donc on rit autrement avec cette suite. Je dirais que c’est beaucoup moins potache, qu’il y a moins de « vannes » et que le rire est plus noir. Cela reste une comédie mais les crevettes ont évolué avec la société et ce second film prend une dimension plus sociale que le premier mais toujours sans faire de prosélytisme.
Ce second volet des crevettes pailletées possède un côté plus sombre. D’ailleurs la mort de Jean dans le premier film est presque le trait d’union des deux réalisations. Après avoir vu les deux, je trouve qu’elles se complètent parfaitement. Cédric Le Gallo et Maxime Govare ont un peu délaissé le côté humoristique pour inscrire plus de drame au cœur de l’histoire. Chaque personne est approfondie et on découvre notamment leurs conflits intérieurs. La force du film réside dans sa capacité à faire faire des allers-retours entre un fond sérieux et le ton léger des crevettes. C’est un exercice difficile mais qui donne un joli mélange entre le rire et l’émotion. On passe parfois même de l’un à l’autre en un instant !
Une vraie suite basée sur des histoires d’amitié, de couples et de secrets
La revanche des crevettes pailletées est une vraie suite, il y est abordé « ce qui se passe après ». On est très loin d’un « on prend les mêmes et on recommence » ! On retrouve les mêmes personnages mais la proposition est bien différente. C’est un film « moins choral » que le premier volet. L’épaisseur prise par chacun des personnages avec ce second film éloigne ces derniers de la caricature.
Attention, la Revanche des Crevettes Pailletées reste un film d’aventures très rocambolesque mais il sait toutefois faire de la place à un véritable éloge de l’amitié et de la famille qu’on se crée. La question sous-jacente du film est: lorsqu’on fait partie d’une bande de potes de ce type, doit-on tout partager ? Et où commence sa vie personnelle et sentimentale. Dans le second volet, les crevettes ont toutes leur propre secret qui risque de les écarter du groupe et/ou une vie de couple encore difficile à faire cohabiter avec le « monde des crevettes ». Finalement chaque crevette cache quelque chose aux autres et va devoir se mettre à nu pour vivre pleinement sa vie. C’est un excellent ressort humoristique et dramatique.
Des références musicales et cinématographiques
Tout d’abord et à nouveau, les références musicales du film sont géniales ! L’ouverture du film en costumes de Sailor Moon, sur une reprise du « Oops I did it again » de Britney Spears est réellement haute en couleurs. On retrouve tout l’ADN des crevettes pailletées. La B.O a été à nouveau réalisée par Thomas Couzinier, mais aussi par l’excellent Yuksek. Le titre qui clôt le film est extrêmement bien choisi ! Il s’agit de « Heroes » de David Bowie. On croirait les paroles écrites spécifiquement pour le film ! Seul petit regret, la chorégraphie quasi absente de la dernière scène. Mais je chipote car cela ne me gêna pas avant d’avoir vu le premier film. Et finalement, est-ce compatible avec l’émotion de cette double scène finale? J’en doute…
Du côté des références cinématographiques, je ne sais pas pourquoi mais j’ai eu l’impression de voir une version gay d’une grande vadrouille qui rencontrerait Very Bad Trip. Je ne sais pas si c’était une volonté, et si cela mérite d’entrer dans mon top film cependant c’est la première impression qui m’est venue en sortant de la salle de cinéma. Enfin, le dénouement de La revanche des crevettes pailletées m’a fait un petit peu penser au Dictateur de Chaplin. Toute proportions gardées bien entendu !!! Mais je crois que c’est important de le dire dans une époque où les tentations de rejet sont très fortes.