Ce soir là, peut-être plus qu’un autre soir, le crépuscule avait une saveur presque mystérieuse. En s’étirant lentement, ce dernier semblait déchirer d’inquiétantes formes spectrales aux lumières de la ville. Le froid mordait mon visage et les bourrasques m’arrachaient un frisson… Oui à mesure que mes pas s’accéléraient imperceptiblement, j’avais bien le sentiment que ce Mardi soir revêtait de biens étranges effets, alors que s’approchait mon rendez-vous pour visiter Caen.
Alors que l’inquiétude commençait à m’étreindre, se présenta devant moi ma guide du soir, ma guide des Petits mystères dans Caen. Plus de fuite possible, l’évitement n’est plus une option. Il me fallait maintenant respecter l’invitation que l’office du tourisme de Caen m’avait faite quelques semaines auparavant. En avant donc pour une heure de visite retraçant les histoires glaçantes de lieux hantés, de légendes urbaines et d’événements tragiques ayant eu lieu dans le centre-ville de Caen.
Et, après tout, il y a quelques temps, j’avais courageusement réussi à –enfin- aller au bout d’un épisode de la série chair de poule. Le fait d’avoir sursauté plusieurs fois et émis de petits cris n’est que pure spéculation et /ou rumeurs tentant de salir ma réputation…si tant est que j’en ai une… J’avais -de plus- participé à une murder party sans m’évanouir de peur. Bref, j’étais en capacité de braver mon angoisse. Et puis pourquoi avoir peur ? J’étais Caennais, je connaissais ces rues. Oui mais finalement, les connaissais-je si bien ?
Pourquoi (re) visiter Caen à la lumière de ses anecdotes frissonnantes ?
Un adage populaire dit que « les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ». En triturant, en torturant cet adage, nous pourrions obtenir des aveux, un aveu…mon aveu : J’avoue, j’avoue tout !! Je fais partie de l’obscur cercle des habitants connaissant moins l’histoire des monuments et les lieux d’intérêt de leur ville que des gens de passage, appelés par d’autres cénacles, touristes. Mes réelles visites de Caen ne se font qu’à l’occasion de la venue d’amis originaires d’une autre région. Bien trop peu je l’admets.
Ce soir là, l’office de tourisme de Caen et Petits meurtres entre amis m’offraient donc l’opportunité de m’absoudre de mes manquements à la pratique régulière de ma ville. Toutes traces de mon égarement ne s’effaceraient qu’au travers d’une déambulation pédestre qui me mettrait à l’épreuve et me confronterait à mes peurs et mes angoisses. Nul ne pouvait savoir quels mystères se cachaient dans les rues de Caen…Nul sauf Anne ma guide.
Visiter Caen par ses petits mystères
Ma « procession » touristique, avec Anne, débuta dans la petite cour intérieure de l’hôtel d’Escoville. Plongés dans une quasi obscurité, avec uniquement un éclairage soulignant l’architecture des façades nous encerclant, nous étions immédiatement immergés dans une atmosphère surnaturelle. Je tournai la tête vers la façade Sud. Deux statues -qui accessoirement tiennent dans leur main des têtes coupées- nous épient. Divers ornements des façades exhument du passé certains mystères de l’alchimie. C’est le moment que choisit notre guide pour nous conter l’histoire de Nicolas le Valois d’Escoville et de ses apparitions…après sa mort.
Ensuite, nous prenons la direction de la place Saint-Sauveur, dans les pas même des condamnés à mort qui –par le passé- battaient ce pavé. En chemin, notre guide nous proposa différentes haltes pour narrer fables et légendes parsemant notre exploration urbaine. Tout à coup, nous voilà nez à nez avec une façade qui m’interpelle personnellement. Son caractère mêlant univers médical, anatomie, et texte en latin m’immergent dans mes souvenirs du film les rivières pourpres. Je connais pourtant très bien cette façade, jamais elle ne me fit cet effet. Mais ce soir-là, elle fait naître en moi comme un sentiment anxiogène. Nous sommes alors place Malherbe et après 20 minutes de pérégrinations mon guide a déjà réussi son pari : me faire plonger de façon irrationnelle dans le côté obscur de Caen.
Le reste de la visite nous mènera au-dessus d’un cimetière d’enfants, dans des lieux imprégnés d’histoires de dame blanche, de fantômes, de bêtes sauvages ou encore de poltergeists. Mais ne caressez pas l’espoir que je vous dévoile les petits secrets de cette visite. On n’intègre pas la congrégation de ceux qui ont pris contact avec le surnaturel des terres caennaises aussi facilement. Pour vous convertir, il vous faudra prendre cette même route tout aussi effrayante qu‘initiatique.
Univers alternatif : Un colocataire fantôme
Dans un univers alternatif, j’aurais aussi visiter Caen. Une des haltes de notre balade aurait très bien pu se faire devant ma propre demeure. En effet, au fil des ruelles et des anecdotes glaçantes sur des meurtres et des histoires angoissantes s’étant déroulés dans les rues et immeubles de Caen, je me serais retrouvé face à une terrible histoire…et surtout face à MA maison… Empli d’appréhension, je me serais toutefois résigné à écouter le récit de notre guide.
Mon appartement aurait été le théâtre d’une macabre histoire. L’ancien propriétaire de la maison se serait tué en utilisant son…coupe-ongles. L’homme solitaire aurait « réussi », par on ne sait quel moyen, à se vider de son sang en se mutilant accidentellement. Et au fil des années, les accidents mortels de coupe-ongles se seraient alors succédés entre ces murs. Certains auraient fait une chute fatale en glissant sur ce satané ustensile. D’autres auraient été mystérieusement retrouvés mort avec deux coupe-ongles insérés dans les trous de nez. Les diverses autopsies n’auraient pas réussi à expliquer le drame.
C’est alors que j’aurais compris. Les petits cliquetis que j’aurais initialement pris pour les bruits de la chaudière, n’auraient été, en fait, que l‘écho de ce fantôme tentant en vain de terminer sa pédicure. Face à l’horreur de la situation, j’aurais alors pris la décision de jeter immédiatement les coupe-ongles de la maison. Ma taille de chaussure serait passée du 39 à 51 mais j’aurais retrouvé le sommeil et une certaine sérénité. Alors effectivement, j’aurais recommencé à me ronger les ongles des mains. Mais non pas par angoisse mais bien par précaution. Alors si vous voulez être sur que les bruits, rompant le silence de vos nuits, ne sont pas l’œuvre d’un colocataire fantôme…
…il ne vous reste plus qu’à visiter Caen par ses petits mystères